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La théorie de l’attachement : mieux comprendre nos façons d’aimer et d’être en lien
La théorie de l’attachement, développée par John Bowlby puis approfondie par Mary Ainsworth, nous aide à comprendre comment nous construisons nos relations avec les autres, depuis tout petits jusqu’à l’âge adulte.
Elle montre que les premières expériences vécues avec les personnes qui ont pris soin de nous (parents, proches…) influencent profondément notre manière d’aimer, de faire confiance, de gérer les séparations et les conflits.
Ce ne sont pas des cases figées, mais des tendances
Nous avons tous un style d’attachement dominant, c’est-à-dire une façon de réagir qui revient souvent dans nos relations importantes.
Mais il ne s’agit pas de profils rigides ou de boîtes fermées. Ce sont des tendances, qui peuvent se combiner entre elles ou évoluer avec le temps, l’environnement et le travail sur soi.
Par exemple :
Une personne peut avoir un attachement évitant, fuir l’intimité dès que ça devient trop sérieux...
...mais en même temps, être traversée par un attachement anxieux qui la pousse à rester, à s’accrocher, par peur d’être abandonnée.
Ce mélange crée des tiraillements internes : vouloir partir, mais ne pas y arriver ; se protéger, tout en cherchant désespérément à être aimé·e.
Les 4 grandes tendances d’attachement
Voici les grands types repérés chez les enfants, puis retrouvés chez les adultes :
Attachement sécure : On se sent en confiance dans les relations, on sait demander du soutien, mais aussi respecter l’autonomie de chacun.
Attachement évitant : On minimise ses besoins, on garde ses distances, on évite de trop s’attacher ou de montrer ses émotions.
Attachement anxieux (ou ambivalent) : On a peur d’être rejeté·e, on a souvent besoin d’être rassuré·e, on peut être très sensible à la moindre distance dans la relation.
Attachement désorganisé : On peut avoir des réactions contradictoires : chercher la proximité et la rejeter en même temps. Cela traduit fréquemment des blessures ou des insécurités plus profondes.
Une dynamique qui peut changer
Bonne nouvelle : notre style d’attachement n’est pas figé.
Avec le temps, des relations réparatrices, une thérapie (comme l’EMDR, l’ICV ou les approches centrées sur le lien), ou simplement une prise de conscience, on peut se sentir plus en sécurité, apprendre à mieux gérer ses émotions, et tisser des liens plus équilibrés.
La majorité des thérapeutes s’appuyant sur la théorie de l’attachement partagent plusieurs constats :
Les attachements insécures (ambivalent, évitant, désorganisé) sont issus d’expériences précoces réelles, et non de simples fantasmes infantiles.
Le schéma relationnel appris dans l’enfance tend à se rejouer dans la relation thérapeutique.
Les interactions émotionnelles inconscientes entre le thérapeute et son patient ont souvent plus d’impact que les outils cognitifs ou comportementaux.
La réparation des blessures d’attachement repose sur la co-construction d’une relation thérapeutique stable, empathique et sécure.
Pourquoi c’est utile à comprendre ?
Parce que connaître ton style d’attachement, c’est :
Mieux comprendre pourquoi vous réagissez d’une certaine façon dans vos relations,
Être plus indulgent·e envers vous-même,
Identifier ce que vous souhaitez transformer pour vivre des liens plus sains.
Après cette première introduction, je vous propose de plonger plus concrètement dans les différents styles d’attachement. Les connaître permet de mieux comprendre comment nous réagissons dans nos relations proches — en couple, en amitié ou même au travail — et pourquoi certaines situations nous touchent plus que d’autres. Ces styles ne sont pas des étiquettes figées, mais des tendances qui prennent racine dans notre histoire personnelle et qui influencent, souvent de façon subtile, notre manière de chercher la sécurité, la proximité ou l’autonomie dans le lien à l’autre.
Être soi, avec l’autre : les fondements de l’attachement sécure
Avoir un attachement sécure, c’est vivre les relations importantes avec un sentiment de confiance profonde : on se sent légitime dans ses besoins, capable de s’appuyer sur l’autre sans crainte d’être rejeté·e, tout en respectant la liberté et les limites de chacun.
Dans ce mode de fonctionnement, la proximité n’est ni menaçante ni étouffante : elle est naturelle. On sait que l’on peut demander du soutien sans honte, mais aussi faire face seul·e quand c’est nécessaire. On n’est pas absorbé·e par la peur de l’abandon, ni contraint·e de se couper de ses émotions pour se protéger.
Quand c’est notre style d’attachement initial
Si ce fonctionnement vous est familier, vous avez sans doute grandi dans un environnement où vos besoins affectifs ont été entendus, reconnus et régulés de manière suffisamment stable. Cela ne signifie pas une enfance parfaite, mais un tissu relationnel suffisamment bon pour vous permettre de construire une sécurité intérieure.
Dans ce cas, il n’y a souvent pas besoin d’un accompagnement thérapeutique spécifique sur la question de l’attachement : le lien aux autres est un appui, pas une source constante de tension ou de confusion.
Quand ce n’est pas notre point de départ
Heureusement, l’attachement sécure n’est pas figé à l’enfance.
Gwenaëlle Persiaux parle d’un attachement sécure acquis, c’est-à-dire un style d’attachement reconstruit à l’âge adulte, à travers des expériences réparatrices : des relations stables, une thérapie, un lien de confiance solide qui offre ce qui a manqué autrefois.
Dans ce cheminement, des approches comme l’EMDR, l’ICV ou les thérapies centrées sur la sécurité émotionnelle peuvent jouer un rôle fondamental. Elles permettent d’apaiser les blessures anciennes, de mieux réguler ses émotions, et d’apprendre — parfois pour la première fois — qu’il est possible d’être en lien sans danger, sans confusion, sans sacrifice.
Gwenaëlle Persiaux souligne même que ce type d’attachement, construit avec conscience et courage, peut parfois être encore plus solide qu’un attachement sécure formé dans l’enfance. Car il a été éprouvé et renforcé par un travail en profondeur, et peut s’avérer particulièrement résilient face aux coups durs de la vie.
Ce nouvel équilibre n’efface pas le passé, mais il redonne de la liberté. Il devient possible d’aimer sans s’effacer, de s’attacher sans se perdre, et de s’éloigner sans se sentir abandonné·e.
Les autres styles d’attachement : des adaptations précoces
Si l’attachement sécure offre un socle rassurant pour construire des relations équilibrées, ce n’est malheureusement pas le vécu de tout le monde.
Selon notre histoire, les liens précoces que nous avons tissés — ou qui nous ont manqué — ont parfois laissé des traces. Ces traces peuvent influencer, souvent inconsciemment, notre manière d’être en lien : difficulté à faire confiance, peur de l’abandon, besoin de tout contrôler, ou encore tendance à fuir l’intimité.
Ces formes d’attachement, dites insecure, ne sont pas des « défauts » : ce sont des stratégies de survie, élaborées très tôt pour s’adapter à un environnement insécurisant ou imprévisible. Les reconnaître, c’est faire le premier pas vers plus de clarté, de douceur envers soi-même… et, si on le souhaite, vers un chemin de réparation.
Le style d’attachement évitant à l’âge adulte
Le style d’attachement se construit à partir d’un ensemble de comportements adaptatifs. Ce sont les interactions répétées entre l’enfant et ses figures d’attachement — souvent les parents — qui façonnent la manière dont l’enfant se sent accueilli dans ses besoins : sécure, ambivalent, évitant ou désorganisé. Cette empreinte relationnelle initiale constitue un modèle qui influencera durablement ses futures relations.
Quelques repères essentiels :
Les stratégies d’attachement émergent au sein de dyades (un enfant et un adulte), et une personne peut développer plusieurs stratégies selon ses figures de soin.
Toutes les stratégies d’attachement sont fonctionnelles dans le contexte dans lequel elles sont apparues.
Le système d’attachement s’active uniquement en situation de stress : il ne s’agit donc pas d’un simple lien d’affection.
Quand l’environnement émotionnel décourage l’expression des besoins
Les enfants développant une stratégie évitante sont souvent confrontés à des figures d’attachement peu disponibles, distantes ou même hostiles lorsque leurs besoins s’expriment, notamment en cas de maladie ou de détresse. Ces enfants apprennent rapidement que pleurer, demander, chercher du réconfort ou exprimer des émotions conduit à un rejet, une moquerie ou une absence de réponse.
Dans ce contexte, ils désactivent progressivement leur système d’attachement, c’est-à-dire qu’ils inhibent l’expression de leurs besoins relationnels pour préserver le lien avec le parent, aussi limité soit-il. Ce processus s'accompagne d'une adaptation émotionnelle : se montrer calme, autonome, indépendant… parfois même “trop sage”.
Ainsworth & Main décrivent ce type de parent comme rejetant les besoins de dépendance, hostile au contact affectif, et irrité par les signes de vulnérabilité chez l’enfant. Ces attitudes trouvent souvent leur origine dans la propre histoire d’attachement du parent, marquée par une honte ou une souffrance liée à l’expression des besoins.
Une illusion d’indépendance
L’enfant évitant donne l’image d’un enfant autonome, peu demandeur. Pourtant, les recherches (notamment lors de la « Situation étrange ») montrent des niveaux très élevés de cortisol, l’hormone du stress, lors des séparations. Autrement dit, l’enfant ressent bien la séparation, mais a appris à ne pas l’exprimer.
En grandissant, cette stratégie devient un style relationnel centré sur la désactivation du besoin de lien, souvent plus visible dans le couple ou les relations intimes. Deux expressions de l’attachement évitant peuvent se manifester :
Évitement détaché (dismissive avoidant) : conviction que les autres ne sont pas nécessaires, valorisation de l’indépendance, autosuffisance affichée.
Évitement craintif (fearful avoidant) : désir de proximité mêlé à une peur intense de l’intimité, qui déclenche un repli dès que la relation devient trop proche.
Ces deux expressions ont en commun une adaptation à un environnement relationnel où l’expression des besoins a été punie ou ignorée. L’une se protège en niant le besoin des autres, l’autre craint d’être rejetée si l’intimité devient réelle.
Comment cela se manifeste au quotidien
Les manifestations d’un style évitant sont parfois subtiles, parfois évidentes. Elles ne sont pas toujours conscientes, et varient selon le contexte de stress. Voici quelques expressions fréquentes :
Évitement de l’intimité
Préférence pour une approche cognitive plutôt qu’émotionnelle
Détachement, froideur ou supériorité apparente
Difficulté à demander de l’aide ou à exprimer ses besoins
Illusion d’autosuffisance
Malaise face aux émotions ou à la proximité
Réflexe à “se débrouiller seul”
Faible empathie apparente
Intimité vécue comme envahissante
Ces comportements ne traduisent pas un désintérêt pour les relations, mais une stratégie de protection contre une proximité perçue comme risquée.
Les relations amoureuses : un terrain révélateur
Dans la sphère affective, la distance émotionnelle devient souvent flagrante. Au début de la relation, cela peut se traduire par :
Des retards, annulations, absences de réponse
Une difficulté à s’engager ou à projeter l’avenir
Une idéalisation d’une relation passée
Des choix de partenaires inaccessibles ou indisponibles
Une focalisation sur les défauts de l’autre
Une difficulté à exprimer ce qu’il ressent
Lorsqu’une relation s’installe (mariage, vie commune, enfant), la personne évitante peut mettre en place des stratégies de retrait : travail intense, isolement, activités solitaires, usage des écrans… tout ce qui lui permet de maintenir une distance de sécurité émotionnelle.
Le besoin de lien existe… mais à distance
Même s’il donne l’impression de ne pas avoir besoin des autres, l’adulte évitant cherche une forme de lien, mais dans des conditions qui ne menacent pas son équilibre émotionnel. Par exemple, il peut apprécier la présence discrète d’un proche “quelque part dans la maison” sans avoir à interagir directement.
Toute tentative de forcer la connexion, en particulier de manière émotionnelle, est vécue comme une intrusion. Cela peut déclencher une réaction de stress intense, voire d’agressivité. Il est alors plus efficace de proposer une connexion en laissant un espace de choix, comme par exemple :
« Quand tu seras prêt·e, tu pourrais me rejoindre dans le salon, on passera un moment ensemble. »
En conclusion
L’attachement évitant est souvent mal compris, parfois jugé à tort comme un manque d’émotion ou d’intérêt pour l’autre. Or, il s’agit avant tout d’une stratégie de protection, construite dans un contexte où l’expression des besoins n’a pas été accueillie de manière sécurisante. Loin d’être le signe d’une absence de désir de lien, cette stratégie traduit une profonde ambivalence : le besoin de connexion est bien réel, mais il est recouvert de couches successives de méfiance, d’autosuffisance affichée et d’hypervigilance relationnelle.
Ce style d’attachement n’est pas figé. Il peut évoluer, notamment grâce à des expériences relationnelles nouvelles et sécurisantes, à un travail thérapeutique ou simplement à travers une prise de conscience progressive de ses propres mécanismes. Le fait de mettre en mots les peurs, les besoins, les automatismes acquis, permet déjà d’amorcer un mouvement intérieur vers plus d’authenticité et de souplesse relationnelle.
Si vous vous reconnaissez dans certains aspects de l’attachement évitant, cela ne signifie pas que vous êtes incapable d’aimer ou d’être aimé·e. Cela signifie peut-être que vous avez appris à aimer « à distance » pour vous protéger. Il est possible d’explorer cette distance, d’en comprendre le sens, et de se donner progressivement la permission d’être vulnérable, en présence d’un autre bienveillant. Car c’est dans un espace relationnel sûr que s’ouvre peu à peu la voie vers des liens plus nourrissants, plus libres et plus proches de nos besoins profonds.
L’attachement anxieux-ambivalent à l’âge adulte : un système d’attachement en état d’alerte permanent
L’attachement anxieux-ambivalent trouve ses racines dans une dynamique relationnelle marquée, dès l’enfance, par l’imprévisibilité émotionnelle de la figure d’attachement. L’enfant se trouve face à un parent tantôt attentif et chaleureux, tantôt distant, intrusif ou émotionnellement indisponible. Cette alternance déstabilisante pousse l’enfant à rester constamment en alerte, espérant capter les signes d’un moment de disponibilité. Résultat : une hyperactivation de son système d’attachement.
Face à cette instabilité, l’enfant développe une stratégie relationnelle fondée sur la recherche constante d’attention et d’approbation. Il ne peut se fier pleinement à la constance de l’amour parental, mais continue malgré tout à s’y accrocher, souvent au prix d’une suradaptation émotionnelle : il devient mignon, culpabilisant, serviable à l’extrême, ou encore parentifié. Il espère ainsi répondre aux besoins du parent pour, en retour, voir les siens comblés. Ces comportements façonnent son rapport aux autres, bien au-delà de l’enfance.
De plus, ce type de relation donne souvent lieu à une confusion des rôles et des frontières : le parent voit parfois l’enfant comme une extension de lui-même, envahissant son intimité (par exemple en lisant son journal, en s’imposant dans ses finances une fois adulte), et réagissant très mal à ses tentatives de prise de distance.
Manifestations fréquentes de l’attachement anxieux-ambivalent
À l’âge adulte, ce style d’attachement se traduit par un rapport aux autres à la fois méfiant et excessivement demandeur. Il ne s’agit pas d’une catégorie figée, mais d’un continuum de comportements et de ressentis, plus ou moins intenses selon les personnes.
Parmi les manifestations les plus fréquentes :
Une préoccupation excessive, parfois obsessionnelle, pour la relation
Une tendance aux ruminations affectives
Une peur que l’affection ne soit pas réciproque
Un besoin d’approbation marqué
Une grande sensibilité à la critique
Une difficulté à percevoir les signaux de rupture ou de dysfonction dans la relation
Une peur constante de l’abandon, du rejet ou de l’indifférence
De la jalousie, de la possessivité
Une volonté de plaire et de satisfaire à tout prix
Une forte dépendance émotionnelle et un désir de fusion
Une difficulté à accepter l’autonomie de l’autre
Un fonctionnement relationnel centré sur la proximité… au détriment de la sécurité
L’adulte anxieux-ambivalent oscille entre la peur de ne pas être aimé et une recherche intense de proximité. Cette quête affective permanente l’amène souvent à adopter des comportements contradictoires, qui, à terme, sabotent la relation qu’il cherche à préserver.
Parmi les stratégies décrites par Levine & Heller :
Rumination constante sur la relation et difficulté à se concentrer sur autre chose
Idéalisation du partenaire : oubli des aspects négatifs, mise sur un piédestal
Croyance que la relation actuelle est unique, irremplaçable, et que tout finira par s’arranger
Colère et ressentiment face à un manque d’attention, souvent non exprimés par peur du rejet
Sa voix intérieure critique renforce ses insécurités, alimentant un cercle vicieux : plus il doute de l’amour reçu, plus il adopte des comportements qui éloignent l’autre.
Les comportements de protestation : une tentative malhabile de sécurisation
Lorsque l’insécurité émotionnelle devient trop forte, l’adulte anxieux-ambivalent met en œuvre des comportements de protestation, dans l’espoir – souvent inconscient – de provoquer une réponse rassurante :
Recherche de contact incessante : appels, messages, visites impromptues
Attitude distante ou fuyante : silence radio, retrait affectif
Calcul et réciprocité : “je réponds après le même délai”, “je laisse l’autre faire le premier pas”
Hostilité passive : soupirs, regards fuyants, fermeture émotionnelle
Menaces de rupture dans le but d’être retenu
Petites manipulations affectives : se montrer occupé, prétendre ne pas être disponible
Tentatives de rendre jaloux : évoquer d’anciens partenaires, s’afficher séduisant·e ailleurs
Un besoin fondamental non comblé : la sécurité affective
Au fond, l’adulte anxieux-ambivalent poursuit une quête de sécurité intérieure qu’il peine à apaiser par lui-même. Ce besoin fondamental d’être rassuré, contenu et reconnu s’enracine dans des expériences précoces où la sécurité affective était incertaine, intermittente, voire conditionnelle. Dans l’espoir de combler ce vide, il développe une vigilance extrême vis-à-vis de la disponibilité émotionnelle de l’autre, interprétant la moindre distance ou le moindre silence comme une menace d’abandon. Son attention se focalise ainsi intensément sur son partenaire, mais cette dynamique peut s’étendre à d’autres figures importantes, comme ses enfants, ses amis proches ou ses collègues, qu’il peut inconsciemment solliciter pour répondre à ses besoins de réassurance et de reconnaissance.
Pris dans cette urgence affective, l’adulte anxieux-ambivalent a parfois du mal à percevoir – ou à respecter – les besoins émotionnels et les limites de l’autre. L’intensité de son besoin relationnel prend souvent le dessus sur la réciprocité, ce qui peut engendrer des relations déséquilibrées, marquées par l’attente, la dépendance et l’insatisfaction.
De manière paradoxale, ce profil est fréquemment attiré par des partenaires au style d’attachement évitant. Ce choix inconscient réactive le schéma connu : rechercher l’attention et la sécurité auprès d’une personne peu disponible émotionnellement. L’évitant, généralement mal à l’aise face à l’intimité et à l’expression des émotions, réagit par le retrait, le silence ou la fuite face à la demande affective grandissante de l’angoissé-ambivalent. Cela crée une dynamique douloureuse et auto-renforcée : plus l’un réclame, plus l’autre se retire. Ce cycle relationnel alimente le manque, la frustration, la colère rentrée et le sentiment d’être indigne d’amour.
Pour en sortir, il est essentiel que l’adulte anxieux-ambivalent prenne conscience de ces mécanismes, travaille son rapport à lui-même, apprenne à réguler son anxiété relationnelle et développe une sécurité intérieure suffisante pour entrer en lien sans se perdre. Cela passe souvent par un accompagnement thérapeutique, mais aussi par des expériences relationnelles réparatrices où l’écoute, la régularité et le respect mutuel permettent de construire, pas à pas, une sécurité affective plus stable.
L’attachement désorganisé dans la « Situation étrange »
Au cœur des recherches pionnières d’Ainsworth, la « Situation étrange » a permis d’identifier trois grands types d’attachement chez l’enfant, à travers ses réactions lors du départ et du retour de sa mère dans un contexte expérimental.
Cette expérience, structurée en huit séquences, commence par l’entrée du bébé et de sa mère dans une salle inconnue, où des jouets sont disposés pour stimuler l’exploration. Observés pendant quelques minutes, le bébé puis la mère sont confrontés à la présence d’une personne inconnue qui interagit tour à tour avec chacun d’eux. Puis surviennent des moments de séparation et de retrouvailles avec la mère, chacun suscitant chez le bébé des réactions spécifiques.
Ainsworth a ainsi observé que les enfants dits « sécures » privilégient l’exploration lorsque leur mère est présente, mais sollicitent leur figure d’attachement en cas de séparation. En parallèle, deux formes d’attachement insécures émergent : l’attachement évitant, où l’enfant minimise le besoin de proximité, et l’attachement anxieux-ambivalent, où ce besoin est amplifié.
Cependant, certains enfants ne correspondaient pas à ces catégories. Leurs comportements, mêlant à la fois évitement et ambivalence, étaient confus, comme si leur quête de sécurité manquait de cohérence. Ces cas furent d’abord qualifiés d’« inclassifiables », avant qu’une nouvelle catégorie soit reconnue : l’attachement désorganisé.
L’attachement désorganisé : une peur sans solution
L’attachement désorganisé s’enracine souvent dans une dynamique familiale marquée par la peur, l’angoisse ou le traumatisme non résolu. Que ce soit à cause d’un deuil précoce, d’une expérience traumatique ou d’un environnement parental instable, l’enfant est confronté à un adulte dont la capacité à répondre avec sensibilité est profondément altérée.
Cette fragilité parentale se traduit par des comportements ambivalents et contradictoires : des gestes qui mêlent réconfort et distance, des réactions où le rire côtoie l’indifférence, plongeant l’enfant dans une confusion émotionnelle intense. La peur du parent face aux émotions de son bébé peut générer des expressions subtiles — dégoût, colère, impuissance — qui viennent perturber la qualité du lien.
Dans ces échanges, le parent réactive fréquemment ses propres blessures non résolues, rendant sa réponse plus dictée par son propre mal-être que par les besoins réels de l’enfant. Cette « ambiance relationnelle » imprègne le quotidien du bébé, laissant une empreinte durable si aucune intervention thérapeutique ne vient soutenir le système familial.
Désorganisation de l’attachement : au-delà de la maltraitance
Si les récits d’adultes présentant un attachement désorganisé évoquent fréquemment des contextes d’alcoolisme, d’abus ou de violences, il est important de comprendre que la désorganisation ne résulte pas uniquement de maltraitances flagrantes.
Elle se manifeste avant tout par une incohérence émotionnelle parentale, une absence de « pattern » stable dans la relation. Tandis que les attachements insécures dits « organisés » suivent des logiques répétitives, offrant une forme de prévisibilité — qu’il s’agisse de minimiser le besoin (attachement évitant) ou de le dramatiser (attachement anxieux) — la désorganisation plonge l’enfant dans un monde relationnel dépourvu de sens clair.
Vers une nouvelle compréhension du développement
À l’âge adulte, cette désorganisation se traduit par des comportements parfois contradictoires — oscillant entre besoin intense de proximité et mise à distance radicale —, sans qu’une stratégie relationnelle claire ne se dégage. Ces réactions ne sont pas toujours conscientes : elles émergent comme des réponses émotionnelles spontanées, souvent douloureuses et déroutantes.
On observe fréquemment chez ces adultes :
une difficulté à faire confiance,
des réactions émotionnelles intenses et imprévisibles,
des expériences de dissociation ou des souvenirs fragmentés,
des comportements défensifs, parfois agressifs,
un sentiment d’impuissance et de déconnexion de soi,
une alternance entre attachement anxieux et évitement,
des relations instables, un besoin de contrôle,
occasionnellement des conduites addictives ou compulsives.
Ces difficultés peuvent affecter certaines sphères relationnelles — notamment amoureuses ou parentales — tout en laissant d’autres domaines relativement épargnés.
Une voie vers la réparation et la sécurité intérieure
Même si l’attachement désorganisé trouve ses racines dans des expériences précoces profondément déstabilisantes, il ne constitue pas une fatalité. La compréhension de ces mécanismes, tant par les professionnels que par les personnes concernées, ouvre la voie à un travail thérapeutique précieux. En explorant ces empreintes laissées par les premières relations, il devient possible de restaurer une forme de cohérence émotionnelle, de retrouver un sentiment de sécurité intérieure et de tisser des liens plus stables et nourrissants. Grâce à des approches adaptées — comme l’EMDR, le LI-ICV ou les thérapies centrées sur l’attachement —, l’adulte peut peu à peu se libérer des schémas relationnels douloureux du passé. Ainsi, ce qui fut un terrain de confusion et de peur peut devenir un espace de transformation, de reconnexion à soi et aux autres.
Reconstruire la sécurité intérieure après un attachement blessé
Quand un enfant vit des relations compliquées avec ses parents, cela peut créer ce qu’on appelle une « désorganisation de l’attachement ». Cela signifie que l’enfant a du mal à comprendre et à faire confiance aux personnes qui devraient lui offrir sécurité et réconfort. Mais cette situation n’est pas une fatalité.
Avec un accompagnement adapté, il est tout à fait possible de retrouver un sentiment de sécurité intérieure et d’apprendre à vivre des relations plus apaisées.
L’EMDR est une thérapie reconnue, souvent utilisée pour aider les personnes à dépasser des souvenirs douloureux ou traumatisants. Elle fonctionne en aidant le cerveau à « retraiter » ces souvenirs difficiles, pour qu’ils perdent peu à peu leur charge émotionnelle négative.
Dans le cas de l’attachement désorganisé, l’EMDR permet :
De calmer les émotions fortes liées à des expériences de peur ou de confusion vécues dans l’enfance,
De mieux gérer le stress et les sensations de malaise qui peuvent surgir dans les relations,
De renforcer la confiance en soi et la capacité à se sentir en sécurité avec les autres,
De construire peu à peu une façon plus stable et sereine d’aimer et de se relier aux autres.
Ce travail demande du temps et de la patience, car il invite à revisiter des moments difficiles, mais il se fait toujours dans le respect du rythme de chacun.
Ainsi, même si l’attachement a été perturbé, il est possible de reconstruire un lien intérieur apaisé et d’ouvrir la porte à des relations plus sereines et authentiques.
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